samedi 29 mars 2008

Inanité

Je me réveille encore dans une maison vide. C'est le silence qui me réveille. Un essaim lourd de bruits absents, de vaisselles qui ne s'entrechoquent plus, de sons qui manquent, de voix familières, perdues, de petits déjeuners, fantômes. Je n'entends plus l'odeur du café, vibrante, sifflante, crissante, qui monte à la porte de ma chambre et frappe l'heure du lever. Mes paupières s'ouvrent sur une pièce sombre, sur des volets, ébènes et épais, qui engorgent la lumière. De mes yeux gris, de mes pupilles nébuleuses, je regarde cet abîme béant, lentement, habiller les murs de ses hardes spectrales et les laver de toute vie, lessivés, déteints, par la pâleur funeste de la vacuité. Je me vois déjà, arpenter les couloirs déshumanisés, l'âme en peine, errant parmi les débris d'un lieu anéanti. Je me vois flotter au milieu de pièces dévastées, et observer les ruines des rires passés. Il n'y a plus désormais que l'éclat insonorisé du présent. Pesant. Comme le pendule d'une horloge qui s'arrête.
Ces matins-là, chez moi, c'est toute la triste ville d'Hiroshima. C'est comme mourir. C'est le néant qui atomise votre toit et explose vos fenêtres, qui s'engouffre et engloutit les meubles, les objets, les souvenirs, et vous, à l'intérieur, démunie, avec votre frêle sourire, et votre solitude, vous devenez ce champ de bataille, dépenaillé, en haillon de chagrin, où le froid qui règne vous insuffle la peur. Et la désolation. Et l'horreur. Je me réveille encore dans une maison vide.



Qui disait déjà, "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé" ? Je lui aurais volontiers demandé: "_ Et s'il en manquait plusieurs ? £t si jamais... ?"

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Magnifique et sublime continue

etrangemessager

khâryatide a dit…

On dirait l'ambiance des dimanches en fin d'après-midi , quand la maison est vide et qu'on se manque à soi-même... même si cette impression doit être particulièrement violente au lever.
Je ne sais plus qui a eu cette formule, mais je dirais bien avec Piaf que je hais les dimanches.

Anonyme a dit…

La solitude immense quand la maison est vide et qu'il n'y a plus que le silence des murs, et le silence en nous, avec comme tu le dis si bien, les ombres du passé, en creux, découpées dans le présent gris...

Une fois de plus bravo pour ton texte, continue, à chaque fois que je viens je trouve tes mots magnifiques.

Simply Sophia a dit…

Franchement t'as un talent indéniable, déjà, en ne dévoilant pas tout le contexte et laisser alors chacun s'y retrouver à sa manière.

Moi ça me fait plutôt penser au passage de la vie chez les parents à la vie étudiante. Les dimanches matins seul dans son appartement où l'odeur du petit-déj déjà prêt ne te reveille, ou encore moins ta mère qui te reveilles car elle trouve qu'il ne faut pas gacher un dimanche en dormant...

Merci pour ce moment d'évasion.

Je te propose d'aller voir mon blog constitué de poèmes ça peut peut-être t'intéresser. http://simplysophiapoemes.blogspot.com/

Anonyme a dit…

j'espère que tu retrouveras vite quelqu'un qui t'aime, si ce n'est déjà fait...

bise.

Olivagogo a dit…

Il faut que tu recommences a ecrire melanie quand tu reviens! Il ne faut pas perdre ce talent d'ecriture que tu as!

Il faut vivre ses reves jusqu'au bout, maintenant que je te connais un peu plus je sais que tu as au fond de toi dans ton coeur, encore plus que ce que tu montres.

Continue de nous faire rever "Nous savons maintenant que rêver est une nécessité biologique. Je pense que c'est ce que font les artistes - ils rêvent pour les autres."
* William Burroughs *
Ca te dit quelque chose non ;)