dimanche 9 mars 2008

Fil rouge

Aujourd'hui, je suis allée te voir à l'hôpital. Je savais pas quoi t'offrir. Qu'est-ce qu'on offre à quelqu'un qui va mourir ? Alors, je suis allée à la mercerie. Et je t'ai acheté une énorme pelote de fil. Tu m'as regardé, tu as souri, tu as eu l'air de dire merci.
Je veux que tu t'en sortes, je t'ai murmuré. Tu as fait un petit mouvement approbateur de la tête. Tes yeux un peu humides. Ou les miens peut-être.


Je parlais tout bas. Je voulais déjouer ses plans avec ma pelote de fil. J'avais longtemps pensé qu'il ne s'agissait que d'un mythe. D'une histoire qu'on raconte aux enfants pour les effrayer gentiment. Pas d'une réalité. Ce n'était pas, comme je le croyais, des murs de pierres, anciens et sacrés, mais des murs en plâtre, écaillés et vétustes. Il n' y avait pas de torches enflammées, mais un réseau entremêlé de lumières blafardes issues de néons défaillants. Un de ces éclairages qui vous rend nauséeux et fébrile. Ce n'était pas non plus un sol en terre brute, mais un sol sombre recouvert de lino noir qui fait crisser vos pas. Non. Ce n'était pas tout à fait comme je l'avais imaginé. Une chose, seule, restait immuable. C'était ces invariables galeries tortueuses, entrelacées et inextricables, qui à chaque embranchement, à chaque détour, vous font espérer la vie. Ces même tracés sinueux qui, à tout moment, peuvent vous mener dans cette antre monstrueuse et mortelle qu'est la maladie et la mort. Ces couloirs sinistres qui se superposent et s'enchevêtrent.

Oui, ce n'était pas un mythe. Ce n'était pas vraiment un labyrinthe, c'est tout.
C'était simplement un hôpital.

_C'est cette histoire du Minotaure, tu sais, je t'ai dit. Je croyais que c'était des mensonges. Le monstre, le labyrinthe... J'avais pas compris. C'était vrai finalement. Cet hôpital en fait, c'est un peu notre dédale. La mort, notre Minotaure. Tu vois, j'ai pas voulu t'offrir des ailes. Pas déjà. Je voulais pas que tu sois Icare. Alors voilà, je me suis dis : une pelote de laine. Oui, une pelote de laine. Tu la déroules et tu suis le fil de mes désirs, comme Thésée pour Ariane. Tu y accroches ta vie aussi fort que tu peux. Et tu t'en sors...


Et tu t'en sors.

Puisque la vie ne tient qu'à un fil.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

ouah didonc c'est la 1ere fois je je tombe sur des textes aussi bien fait c'est sincere....ta du talent !!!!!!!