samedi 2 août 2008

-Tome II-

J'écris la fin avant le début.
Une fin un peu fleur bleue. Où les fleurs auraient laissé place à la peur, où il y aurait eu plus de peur que de bleus. Plus de pleurs que de mal.
J'écris une fin à l'eau de rose, sans couleur ni épines. Qui aura seulement le parfum mièvre des nuits. Tu le sais, j'ai toujours vu la vie en prose.
Une fin en demi-teinte, ni triste, ni gaie. Entre le rose et le bleu. Entre la petite fille et le petit garçon. Pour les enfants qu'ils ont été. Et pour ceux qu'ils n'auront pas ensemble. Je deviens le conteur d'une aventure sans envergure. Un conte de faits, ni plus ni moins. Ni moins que rien.
Oui, c’est fini. Le héros n’existe plus. A-t-il d’ailleurs été un jour ?
J’ai eu l’envie soudaine de le faire mourir. Sa belle en a été très affligée, elle ne souriait plus qu’à la mort. Les mois ont passé, nombreux et douloureux, elle a vieilli, elle a grandi. Elle n’est plus la belle du héros aujourd‘hui. Elle est plus que ça. Désormais, elle est le héros.
Je lui ai donné un rôle de choix, une oeuvre à son nom et non à celui des autres. Elle méritait un titre, c’était le moindre des égards que je pouvais lui faire. J’ai cherché des protagonistes différents pour l’entourer au mieux. Ils correspondent tous à la même description: des visages avenants, des mains tendues, des bras ouverts. £t parmi eux, j‘ai trouvé quelqu‘un pour elle, tel un futur potentiel. Oui, mon héroïne, je le sens, a de l‘avenir. Et je ne sais plus si je parle de moi ou si je parle d’elle. Ou si elle et moi sont la même. Mais ce que je sais, c’est que ce n’est qu’en étant heureuse, qu’on attire irrésistiblement le bonheur. Et qu’on se remet à écrire... à écrire, à écrire.
La vérité, c'est que l'amour est une co-écriture. Il y a deux auteurs qui décident de leurs personnages, d'une intrigue, des grandes lignes de leur vie. D'un grand roman ou d'un simple essai.
Un des auteurs se décourage, et c'est la fin. Leur page presque blanche ou griffonnée, ne restera qu'un brouillon, une feuille volante dans l'air du temps. Ils se diront que leur plume n'a pas été assez légère et que leur histoire était sans doute trop terre à terre. Et dès lors, chacun se mettra à son propre conte. £n quête du personnage principal. £n quête de l'essentiel. Mais un sentiment pourtant restera comme l'apanage de l'écrivain. Car ils se demanderont toujours, si d'entre tous les écrits inachevés, abandonnés, ou raturés, s'il n'y aurait pas eu celui qui aurait fait d‘eux, à tout jamais, un auteur à succès.


-Fin-

-Prologue-

"...et c'est ainsi que chaque fin est un commencement."
J‘ai fermé le livre. Regarder autour. Le monde était plus beau soudain. J’étais prête à démarrer un autre tome. La couverture me plaisait bien et j’aimais déjà ces pages encore immaculées. J’ai écrit quelques phrases, j’ai fait mes premiers mots. J’ai balbutié un chapitre nouveau. £t peut-être au fond que c’était juste le début de la fin.


£t peut-être pas.

à suivre...



lundi 14 juillet 2008

Souvenirs...


Devant moi, une étendue sans relief. Les terres sont mortes, figées sous un soleil de lave, et les paysages gisent sur des kilomètres, désossés par la misère ambiante. Seuls restent le squelette des cactus et la poussière du sable. J'ai un goût aride dans la bouche. Les yeux desséchés et la peau rêche. Tout est sec, même mes larmes. Je regarde encore. Des puits taris sans pièces ni espoirs. Il n'y a là que les seaux vides et râpeux, encore pendus à leur corde. A coté, quelques carcasses d'habitats, des armatures en briques, des charpentes friables, inachevées. Quelques vies abandonnées. Et moi... Comme un cimetière sur le bord d'un chemin. Il y a des coins comme ça, où Dieu semble avoir déserté le monde et les hommes. Au loin, un animal, émacié, écorché, a le regard implorant des mendiants crevant de faim sous la chaleur de l'orient. Et je ne peux m'empêcher de penser que certains moments de notre existence méritent qu'on perde la vue, ou le coeur, peut-être.
L'air est salé. Il paraît que le sol où je marche était un lac, avant. J'avance vers les ruines d'un fort. J'entre dans son ombre, et décide de gravir ces pierres d'une autre époque, éboulées sous le passage du temps. Sur un des murs, une inscription en anglais: Save this monument. J'ai comme un demi-sourire, celui des personnes qui ont de la peine, convaincue qu' il disparaîtra quelques décennies plus tard. Mais alors que tout en moi désespère, Dieu ressuscite soudain. En haut, je domine l'horizon et me retrouve face à face avec la vie. Une rafale de vent, et la beauté surgit, plus belle que jamais, dans des rayons crépusculaires, elle sillonne la mer de sa lumière et éblouit et scintille. Je respire calmement, apaisée et sereine. Cet endroit, je le sais, je l'emporterai avec moi, dans mon regard, dans mes gestes, dans mes mots, sa tristesse, sa richesse, me ressembleront et me ressemblent déjà plus que je ne le crois.

dimanche 13 juillet 2008

"£t nos visages gris
Quand le matin nous prend
£n flagrant délit
De perte de temps
£t nos regards hagards
Lorsque la nuit s'endort
£t que le jour nous donne
Tous les torts... "


Rose - Je m'ennuie-

Don't you cry tonight...

Je regarde autour de moi, le ciel est bleu et ses rayons baignent de lumière les épitaphes. J'ai une rose rouge dans la main. Je la laisse tomber sur ton cercueil. Et je m'éloigne doucement.
Des cris hors des murs gris. Ceux des enfants du quartier. Des gens, aux fenêtres des tours, ont étendu leur linge. La vie qui hurle, la vie qui s'exhibe. Je ne comprends pas. Le monde ne pleure pas avec nous.

Il se moque de ton sort. Il se fout de toi, de moi, des autres. Il a comme un rire indécent.
Je me sens nue soudain, dépouillée de ton corps. J'ai plus de pudeur, je retiens plus mes larmes, je retiens plus ma voix, je suis à genoux, à terre, aux pieds de la mort et de la douleur. Et lui, il rit. Son sourire jusqu'à mes oreilles. Je le hais. Je le hais d'être vivante. Et d'entendre les gens, heureux ou malheureux. Brailler, vociférer. Devant ta tombe, je me suis arrêtée. Je me suis figée. Je me suis statufiée. Je me suis faite en pierre pour ne plus qu'on m'approche. J'ai scellé mes lèvres et enterré les voyelles et les consonnes. Les mots, les phrases et les discours. Cloîtrée dans le silence, j'ai emmuré ton nom. Et, sur ma sculpture, j'ai crispé un sourire. Celui que tu aimais. J'ai cristallisé une apparence. Souvent, on la regarde et on ne contemple que la surface lisse et polie. Ca évite les questions. Aucun d'eux ne voit la rose que je serre encore entre mes doigts. Mes mains pleines d'épines, et mon sang qui perle toujours sur ton souvenir.

samedi 29 mars 2008

Inanité

Je me réveille encore dans une maison vide. C'est le silence qui me réveille. Un essaim lourd de bruits absents, de vaisselles qui ne s'entrechoquent plus, de sons qui manquent, de voix familières, perdues, de petits déjeuners, fantômes. Je n'entends plus l'odeur du café, vibrante, sifflante, crissante, qui monte à la porte de ma chambre et frappe l'heure du lever. Mes paupières s'ouvrent sur une pièce sombre, sur des volets, ébènes et épais, qui engorgent la lumière. De mes yeux gris, de mes pupilles nébuleuses, je regarde cet abîme béant, lentement, habiller les murs de ses hardes spectrales et les laver de toute vie, lessivés, déteints, par la pâleur funeste de la vacuité. Je me vois déjà, arpenter les couloirs déshumanisés, l'âme en peine, errant parmi les débris d'un lieu anéanti. Je me vois flotter au milieu de pièces dévastées, et observer les ruines des rires passés. Il n'y a plus désormais que l'éclat insonorisé du présent. Pesant. Comme le pendule d'une horloge qui s'arrête.
Ces matins-là, chez moi, c'est toute la triste ville d'Hiroshima. C'est comme mourir. C'est le néant qui atomise votre toit et explose vos fenêtres, qui s'engouffre et engloutit les meubles, les objets, les souvenirs, et vous, à l'intérieur, démunie, avec votre frêle sourire, et votre solitude, vous devenez ce champ de bataille, dépenaillé, en haillon de chagrin, où le froid qui règne vous insuffle la peur. Et la désolation. Et l'horreur. Je me réveille encore dans une maison vide.



Qui disait déjà, "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé" ? Je lui aurais volontiers demandé: "_ Et s'il en manquait plusieurs ? £t si jamais... ?"

vendredi 28 mars 2008

L'amour des noeuds

£t alanguis, nous restions sur ce lit, emmitouflés dans la voix de Damien Rice. Etendus, immobiles, lovés l'un contre l'autre. Mes cheveux rayonnant sur ton épaule comme les chutes d'or d'Islande. Ton coeur chuchotait quelques battements au creux de mon oreille et ma main, fixée à ta poitrine, diagramme de ton affection, éprouvait doucement ta respiration. Je t'aimais dans un murmure, dans un souffle, dans une expiration. Ton menton, tes lèvres, piquaient délicatement mon front et sondaient mes pensées pour me soustraire le faix de la parole. Et peu à peu, je voyais le paysage changer. Les murs de la chambre s'abaissaient comme les vitres teintées d'une voiture s'ouvrent sur le monde, et le plafond, en apesanteur, se désagrégeait dans l'atmosphère. Te souviens-tu comme on voyageait alors ? Notre matelas, souvent, se posait sur une plage, et nous nous blottissions dans le vent iodé de Bretagne, les vagues et leurs écumes, les rochers et les coquillages, c'était la toile de fond qui nous enveloppait, notre couverture soyeuse. Et puis soudain, on était dans une barque, au milieu d'un lac, à demi allongés sous le ciel, des cygnes et le bruissement des saules pleureurs, heureux. Ou assis au bord de cette falaise, tes bras autour de moi, devant un crépuscule d'avril. Ou une kyrielle d'autres tableaux aux touches romantiques que je pourrais dépeindre. Oui, nous traversions les horizons ensemble, t'en souviens-tu ? Notre lit était semblable au bateau dont je rêve; il voguait aux quatre coins du globe, sur les eaux sereines du bonheur. Mais à ton air, je vois bien que tu ne t'en souviens pas. Toutes ces beautés pittoresques que tu n'as pas pu voir. Toutes ces pensées que je ne t'ai pas confiées. J'étais seule à son bord. Seule sur le pont à regarder l'aurore d'un rêve. Je flottais sur un songe...
J'avais fait de nous un noeud; un noeud si parfaitement arrimé, enlacé, entortillé; un noeud torsadé de jeans, de jambes, de pieds; nos jeans, nos jambes, nos pieds; et je nous avais liés jusqu'à en oublier que j'avais eu un jour un corps. Un corps à moi, qui m'appartient, une corde pouvant s'amarrer n'importe où dans le monde. J'aurais bien pu me pendre avec, à défaut d'être pendu à ton cou. Mais j'ai préféré renouer avec la réalité. Tout le monde se perd un jour, non ? Alors, seule, avec ma corde, j'ai continué mon voyage, et je me suis attachée à accrocher mon âme, n'importe où, là où j'ai pied, là où je peux marcher et avancer, c'est ça l'important, et quand j'aurais parcouru toutes les mers et tous les océans, toutes les terres de tous les continents, j'aurais enfin trouvé le point d'ancrage qui manque à ma vie.

lundi 17 mars 2008

Météo sentimentale

J'avais de la pluie dans les yeux. C'était comme la saison des moussons en Inde. En plus froid. Comme une fâcheuse tendance à ressembler aux chutes du Niagara.
Vous voyez, ces porteurs d'eau, autrefois. Moi aussi, je traînais mes seaux. Je les portais un peu partout de peur d'inonder les gens.
C'est eux. C'est lui, là. Ou c'est juste moi peut-être.
Je m'étais enlevé le soleil. Il me gênait, il me grillait les yeux. J'ai eu peur de me laisser trop longtemps sur le feu et de me réveiller un matin, le coeur calciné. Satané soleil qui asséchait mes nappes phréatiques. Et mon chagrin qui s'évaporait ! Je n'avais pas envie de bronzer et de reprendre des couleurs. Mes teintes à moi, c'était le blanc, le noir et l'entre-deux. J'ai toujours eu du mal avec la lumière. Je crois que je suis simplement photosensible. C'est vrai, toutes ces photographies trop exposées, du temps heureux, à deux, ces images de bonheur qui vous brûlent la peau et les yeux, c'est douloureux. C'est des souvenirs qui finiront par vous éclabousser. Une source de malheur. Du papier glacé. Une photographie, si on y réfléchit, c'est beau et triste à la fois. C'est le serment solennel d'une vie perdue. D'une lueur perdue.
J'ai préféré l'éteindre toute seule, moi, le soleil. Je n'ai pas voulu attendre que le temps passe. Il me restait suffisamment de réserves en eau souterraine. Alors je l'ai noyé, je l'ai assassiné, je l'ai enterré. Sous la tonne de boue et de gravats. Je lui ai dit adieu au beau temps et à ce maudit bonheur. Quelques gouttes dans les yeux et les iris en nuage.

J'en ai passé des après-midi à éponger. J'ai étanché l'eau sale et fait le ménage dans mes prunelles. Elles étaient pas prêtes, avant. Il y avait trop de choses qui les obstruaient. Mais maintenant, elles sont toutes propres, toutes neuves, toutes belles. Elles vont pouvoir briller sans peine. Comme deux soleils...

dimanche 16 mars 2008

Bonjour dépression

C'est étrange son regard. Comme il est loin parfois. Ses yeux flous qui me rendent vaporeuse. Et son visage, qui sourit, mais à l'envers. Il paraît que, là où elle est, c'est le pays des larmes. Moi je dis souvent qu'elle a l'âme fantôme. L'âme qui s'échappe des parois charnelles et du monde palpable. L'âme absente.
Sur la table de la cuisine, il y a des monticules de médicaments derrière lesquels elle disparaît : des boites miracles, des boites soucis, des boites je-suis-fatiguée, j'ai-mal-à-la-tête, j'ai-mal-dans-le dos. J'ai-mal-tout-court. Des boites de maux et de larmes. Personne ne s'en doute, mais la vérité est là: les médicaments désincarnent. Ce n'est plus qu'un corps, pantin désarticulé dont les médecins, les laboratoires pharmaceutiques, les psychanalystes tirent les ficelles. Ceux là même qui prescrivent et re-prescrivent, signent et re-signent des ordonnances médicamenteuses, qui l'abreuvent de rendez-vous thérapeutiques et de comment-ça-va-aujourd'hui, qui vendent des panacées de bonheur en pilule, au poids de son malheur et s'enrichissent sur son intarissable affliction. Eux, le corps médical. Eux, le corps et non le coeur. Ce sont des gourous de tristesse. La secte, insoupçonnée et légalisée, la plus perverse du monde. De mon monde.
Cela fait dix ans maintenant. Dix ans qu'ils l'ont prise. Dix ans d'une vie somnambulique. Dix ans qu'elle me manque. Et qu'ils m'ont rendu une étrangère, comme un succédané de maman.

dimanche 9 mars 2008

Fil rouge

Aujourd'hui, je suis allée te voir à l'hôpital. Je savais pas quoi t'offrir. Qu'est-ce qu'on offre à quelqu'un qui va mourir ? Alors, je suis allée à la mercerie. Et je t'ai acheté une énorme pelote de fil. Tu m'as regardé, tu as souri, tu as eu l'air de dire merci.
Je veux que tu t'en sortes, je t'ai murmuré. Tu as fait un petit mouvement approbateur de la tête. Tes yeux un peu humides. Ou les miens peut-être.


Je parlais tout bas. Je voulais déjouer ses plans avec ma pelote de fil. J'avais longtemps pensé qu'il ne s'agissait que d'un mythe. D'une histoire qu'on raconte aux enfants pour les effrayer gentiment. Pas d'une réalité. Ce n'était pas, comme je le croyais, des murs de pierres, anciens et sacrés, mais des murs en plâtre, écaillés et vétustes. Il n' y avait pas de torches enflammées, mais un réseau entremêlé de lumières blafardes issues de néons défaillants. Un de ces éclairages qui vous rend nauséeux et fébrile. Ce n'était pas non plus un sol en terre brute, mais un sol sombre recouvert de lino noir qui fait crisser vos pas. Non. Ce n'était pas tout à fait comme je l'avais imaginé. Une chose, seule, restait immuable. C'était ces invariables galeries tortueuses, entrelacées et inextricables, qui à chaque embranchement, à chaque détour, vous font espérer la vie. Ces même tracés sinueux qui, à tout moment, peuvent vous mener dans cette antre monstrueuse et mortelle qu'est la maladie et la mort. Ces couloirs sinistres qui se superposent et s'enchevêtrent.

Oui, ce n'était pas un mythe. Ce n'était pas vraiment un labyrinthe, c'est tout.
C'était simplement un hôpital.

_C'est cette histoire du Minotaure, tu sais, je t'ai dit. Je croyais que c'était des mensonges. Le monstre, le labyrinthe... J'avais pas compris. C'était vrai finalement. Cet hôpital en fait, c'est un peu notre dédale. La mort, notre Minotaure. Tu vois, j'ai pas voulu t'offrir des ailes. Pas déjà. Je voulais pas que tu sois Icare. Alors voilà, je me suis dis : une pelote de laine. Oui, une pelote de laine. Tu la déroules et tu suis le fil de mes désirs, comme Thésée pour Ariane. Tu y accroches ta vie aussi fort que tu peux. Et tu t'en sors...


Et tu t'en sors.

Puisque la vie ne tient qu'à un fil.


jeudi 6 mars 2008

La diététique du coeur

Je suis au régime. J'ai été voir une diététicienne et elle m'a dit: "_Faut vous restreindre niveau amour, vous en avez gros sur le coeur." Et c'était vrai. Des kilos et des kilos. Oui, j'en ai avalé des bêtises. Toujours enrobées de sucres. Des phrases mielleuses. Des petites douceurs. Et même des papillons, c'est pour dire. J'ai été trop gourmande. Au début, je trouvais ça bon, mais très vite, ça a fini par m'écoeurer. Tout ces "je t'aime", c'est indigeste. Ca pèse lourd sur l'estomac, ça vous donne des nausées et au final on dégurgite. On tombe malade et pas qu'un peu. Parfois, c'est des mois et des mois de cure de désintoxication pour s'en guérir.
Oui, je suis au régime. Je remettrai pas le couvert. Fini les croissants au lit et les dîners en tête à tête. Et toute cette nourriture aphrodisiaque. Ca m'a gavée tout ça. Trop de crises de foi(e).


"_Encore un peu d'amour ?
_Non, merci, j'en peux plus ! "


Oui, c'est décidé. L'amour, je n'en reprendrai plus.
J'y crois plus.

samedi 1 mars 2008

De la littérature sexualisée

Regardez-la, elle meurt.

Il l'aime à s'en bouillir le sang. Comme un chat écorché, des traces félines dans le dos. Et sa peau sous ses doigts. Il la mord, elle le griffe. A pleine bouche, rouge aux ongles. Deux corps grenats l'un contre l'autre; l'étreinte se resserre. Quelques lambeaux de tissus jonchent le sol, déchiquetés, décharnés, écartelés aux quatre coins de la pièce-Les vêtements mutilés des deux amants- La nuit aiguise ses incisives, la nuit les vampirise. Elle diffuse dans leurs veines quelques gouttes de Rabelais. "Sucer la substantifique moelle", happer son âme et l'avoir dans la peau. L'essentiel, c'est de suer sang et eau. Alors, la chambre, fournaise, étuve, s'empourpre de l'odeur capiteuse des vapeurs amoureuses. Ce ne sont plus que des animaux, enfiévrés, enragés, avides de chair fraîche, qui dépècent la vie à vif, et la dévorent toute crue. Saignante, cinglante. Jusqu'à la satiété. Rassasiés, encore haletants, les noctules restent ainsi plantés là. Comme un pieu dans le coeur. £t la petite mort, douce et lascive, se propage dans leur tombeau charnel. Ils savent que les rayons du jour consumeront bientôt leur désir et que les cendres licencieuses viendront empoussiérer, peu à peu, leur amour concupiscent.

Regardez là, dans ses bras !
Elle est morte...



(NB: L’orgasme est appelé « petite mort ». C’est l’écrivain Georges Bataille qui invente ce terme dans son roman “Madame Edwarda”. Cette analogie peut être expliquée par le fait que l’orgasme est une suspension provisoire du manque et du désir, comme la mort qui abolit toutes les tensions de la vie.)

vendredi 29 février 2008

Pas à pas

Dans ma gare, il y a les pas des gens qui passent. Les traces de pas qu'amène la pluie. Un peu boueuses, un peu sales. Il y en a pour tous les styles. Chaussures à talon, ballerines, mocassins, baskets, bottes, rangers... Autant de chaussures pour autant de personnes. Toutes différentes et toutes un peu semblables. Il y en a partout, dans toutes les directions. Mais je me demande au fond, si elles savent où elles vont. Et quelles traces je peux suivre. Chacun des pas à son histoire. Peut-être que celui-ci, un peu effacé, pas très appuyé, n'est pas très sûr de lui. Ou que celui-là est arrogant. Que cet autre est un peu triste. Ou que pour lui, là-bas, c'est le pied. Peut-être qu'il y a les pas de quelqu'un que je pourrais aimer. Ou de quelqu'un qui pourrait m'aimer. Peut-être les deux pour faire la paire. Comment ne pas faire de faux-pas. Je vois bien moi, qu'il y a des semelles usées par le temps, à force de marcher et de marcher encore, des kilomètres et des kilomètres à la poursuite d'autres chaussures, d'autres pieds auxquels coller les siens le soir, quand on a froid. Pour en trouver des biens, qui ne vous laissent pas tomber comme une vieille chaussette. Qui ne vous cassent pas les pieds. J'observe encore. Ils sèchent peu à peu et laissent le sol couvert d'empreintes. Comme des preuves irréfutables de leur existence. Et moi, je me dis que ce soir quelqu'un aura nettoyer leurs traces. Et que demain, il y aura à nouveau d'autres traces, inconnues, ou similaires. Et je me mettrai à penser à tout ceux qui auront disparus. Aux pas absents. A toi peut-être. Je deviendrai mélancolique et j'aurai envie de revenir sur mes pas. Vous savez, ces pas qu'on a déjà lavés depuis un petit bout de temps. Ces pas dont il ne reste plus rien. Des pas qu'on aimait bien, qui dansaient, qui chantaient, qui parlaient, qui riaient. Je sais bien que je me perdrais en chemin. Alors peut-être que la solution, c'est de se racheter de nouvelles chaussures. Pour faire de nouveaux pas. Pour prendre un nouveau départ. De belles chaussures, toutes neuves et reluisantes. Vers une vie vernie. Alors je me demande si quelqu'un finira par remarquer mes nouveaux pas, et mes nouvelles chaussures, et ma nouvelle direction, et cette absurdité qui fait marcher le monde.

Protège-moi.

S'il te plait... Dessine-moi une bulle... Une bulle moelleuse et douillette. Que je m'y jette à corps perdu, sans me faire mal. Je veux m'y reposer comme sur un matelas d'air, comme dans un ciel moutonné, couleur coton. Je veux que tu m'offres une bulle. Pour m'y recroqueviller. Une bulle capitonnée. Contre le bruit des autres. Je la souhaite coquette. Puisque le monde s'est laissé aller. Je la désire édulcorée. Comme du sucre qu'on ajouterait aux fraises, au printemps. Goûte le fruit de mon imagination. Vomit l'amère réalité. Elle sera la saison florissante. Ma renaissance. Ce sera une bulle oxygénée, des poumons tout neufs et une nouvelle respiration. Emprisonne-moi une rafale de vent et je m'y sentirais libre. Car tu sais bien qu'il faudra la blinder. Une bulle immunisée. Contre les balles que crachent les continents. Contre les mots épineux. Contre la bave de la haine et du mépris. Dehors, c'est contagieux. J'ai pas envie d'être malade. De me plaindre. D'en vouloir aux autres. De faire la tête. D'être aigrie. Agressive. Violente. De me retrouver à dire des choses qui ne me ressemblent pas. De ne plus réussir à être moi. D'avoir peur. Je veux une bulle étanche aux larmes. A l'intérieur, ce sera mieux. Ce sera comme vivre dans un ballon gonflé de protoxyde d'azote. Ce sera euphorique. Un instant, tout au moins. Juste un instant. Dessine-moi ma bulle... s'il te plait...