vendredi 29 février 2008

Pas à pas

Dans ma gare, il y a les pas des gens qui passent. Les traces de pas qu'amène la pluie. Un peu boueuses, un peu sales. Il y en a pour tous les styles. Chaussures à talon, ballerines, mocassins, baskets, bottes, rangers... Autant de chaussures pour autant de personnes. Toutes différentes et toutes un peu semblables. Il y en a partout, dans toutes les directions. Mais je me demande au fond, si elles savent où elles vont. Et quelles traces je peux suivre. Chacun des pas à son histoire. Peut-être que celui-ci, un peu effacé, pas très appuyé, n'est pas très sûr de lui. Ou que celui-là est arrogant. Que cet autre est un peu triste. Ou que pour lui, là-bas, c'est le pied. Peut-être qu'il y a les pas de quelqu'un que je pourrais aimer. Ou de quelqu'un qui pourrait m'aimer. Peut-être les deux pour faire la paire. Comment ne pas faire de faux-pas. Je vois bien moi, qu'il y a des semelles usées par le temps, à force de marcher et de marcher encore, des kilomètres et des kilomètres à la poursuite d'autres chaussures, d'autres pieds auxquels coller les siens le soir, quand on a froid. Pour en trouver des biens, qui ne vous laissent pas tomber comme une vieille chaussette. Qui ne vous cassent pas les pieds. J'observe encore. Ils sèchent peu à peu et laissent le sol couvert d'empreintes. Comme des preuves irréfutables de leur existence. Et moi, je me dis que ce soir quelqu'un aura nettoyer leurs traces. Et que demain, il y aura à nouveau d'autres traces, inconnues, ou similaires. Et je me mettrai à penser à tout ceux qui auront disparus. Aux pas absents. A toi peut-être. Je deviendrai mélancolique et j'aurai envie de revenir sur mes pas. Vous savez, ces pas qu'on a déjà lavés depuis un petit bout de temps. Ces pas dont il ne reste plus rien. Des pas qu'on aimait bien, qui dansaient, qui chantaient, qui parlaient, qui riaient. Je sais bien que je me perdrais en chemin. Alors peut-être que la solution, c'est de se racheter de nouvelles chaussures. Pour faire de nouveaux pas. Pour prendre un nouveau départ. De belles chaussures, toutes neuves et reluisantes. Vers une vie vernie. Alors je me demande si quelqu'un finira par remarquer mes nouveaux pas, et mes nouvelles chaussures, et ma nouvelle direction, et cette absurdité qui fait marcher le monde.

Protège-moi.

S'il te plait... Dessine-moi une bulle... Une bulle moelleuse et douillette. Que je m'y jette à corps perdu, sans me faire mal. Je veux m'y reposer comme sur un matelas d'air, comme dans un ciel moutonné, couleur coton. Je veux que tu m'offres une bulle. Pour m'y recroqueviller. Une bulle capitonnée. Contre le bruit des autres. Je la souhaite coquette. Puisque le monde s'est laissé aller. Je la désire édulcorée. Comme du sucre qu'on ajouterait aux fraises, au printemps. Goûte le fruit de mon imagination. Vomit l'amère réalité. Elle sera la saison florissante. Ma renaissance. Ce sera une bulle oxygénée, des poumons tout neufs et une nouvelle respiration. Emprisonne-moi une rafale de vent et je m'y sentirais libre. Car tu sais bien qu'il faudra la blinder. Une bulle immunisée. Contre les balles que crachent les continents. Contre les mots épineux. Contre la bave de la haine et du mépris. Dehors, c'est contagieux. J'ai pas envie d'être malade. De me plaindre. D'en vouloir aux autres. De faire la tête. D'être aigrie. Agressive. Violente. De me retrouver à dire des choses qui ne me ressemblent pas. De ne plus réussir à être moi. D'avoir peur. Je veux une bulle étanche aux larmes. A l'intérieur, ce sera mieux. Ce sera comme vivre dans un ballon gonflé de protoxyde d'azote. Ce sera euphorique. Un instant, tout au moins. Juste un instant. Dessine-moi ma bulle... s'il te plait...